Stéphanie Dugas - La clé vers un jardin secret.

J'immortalise les seules images que l'oeil ne voit pas. Regardez donc avec votre âme!

Pages

Le troisième maillon.

Qu’est-ce que l’écriture?

Je crois que cette définition diffère pour chacun d’entre nous. Certains écrivent parce qu’ils ont quelque chose à raconter, d’autres écrivent pour fuir la réalité et d’autres écrivent parce qu'ils y sont destinés. L’écriture, ce n’est pas seulement transposer une histoire imaginaire sur un bout de papier. C’est également de petits fragments de l’âme de celui qui décide d’exposer son univers au monde entier.

Si je sais, depuis l’âge de six ans, que l’écriture est ma voie dans la vie, certains le découvrent un peu plus tard. Il n’y a pas d’âge pour rêver. Il n’y a pas de bons ou de mauvais moments pour se créer de nouveaux buts. Et comme pour ma grand-mère, il n’est jamais trop tard pour réaliser ses rêves.

Si je vous parle de ceci aujourd’hui, c’est parce que quelqu’un tout près de moi a décidé de s’emparer de cette arme puissante qu’est l’écriture. Pourquoi a-t-il choisi d’écrire? Il est le seul à le savoir et cette réponse n’est importante que pour lui. Ce qui m’émeut le plus dans cette histoire, c’est qu’avec cette décision, il devient le troisième maillon d’une chaine de plume familiale. L'écriture serait-elle héréditaire dans ma famille?
Oui, vous avez deviné, il s’agit de mon père et aujourd’hui, c’est son anniversaire. Si je pouvais décrire mon père en quelques mots, je le qualifierais comme étant un homme généreux, mais surtout courageux. Il n’a jamais eu peur des nouveaux défis qu’il avait à affronter et même si la vie lui présentait souvent des murs, il a su construire ses propres portes avec les outils qu’il possédait. Derrière sa carapace d’homme fort se cache un être sensible et c’est pour toutes ces raisons que je sais qu’il sera un bon écrivain.

Il y a quelques semaines, il m’annonçait son projet d’écriture. Au début, il semblait incertain de son idée et c’est la raison pour laquelle il voulait m’en parler. Cela faisait un bon moment qu’il songeait à ce projet et ses idées avaient déjà eu le temps de germer dans son esprit. On a discuté et il m’a raconté en détail ce qu’il avait en tête comme personnages et comme univers.  De plus, quand ton père te demande d’être son éditrice et sa coach d’écriture, tu ne peux pas rester de marbre devant une telle demande! Vous me direz que j’ai un parti-pris parce que c’est mon père et moi, je vous répondrais que peu importe qui se trouve devant moi, je sais reconnaître une histoire qui a du potentiel. Ce qui, à mon avis, rendra son histoire d’autant plus agréable à lire, c’est le vécu qu’il projette d’y mettre sans même s’en rendre compte. Le seul indice que je vous donnerais sur son histoire, c’est qu’il s’agit d’un univers fantastique, mélangeant la science-fiction et la vraisemblance.

J’ai bien l’intention de l’encourager et de m’assurer qu’il ne baisse pas les bras. Si seulement il savait déjà la beauté de ce qu’écrire un roman peut apporter à l’âme humaine!


Papa, je n’ai pas encore les moyens de t’offrir de cadeaux d’anniversaire ou de te rendre le tiers de tout ce que tu fais pour moi, mais sache que j’ai les outils nécessaires pour t’aider avec ce nouveau rêve que tu caresses. Je te promets qu’un jour, tu tiendras, entre tes mains, un roman sur lequel tu y liras ton nom à titre d’auteur et juste au-dessus, tu y retrouveras le nom de ma maison d’édition. Je te ferai ressentir ce sentiment incroyable qu’est d’avoir achevé un projet aussi magique que celui d’immortaliser une partie de soi-même dans le temps. Et une fois que ce sera fait, ton roman se retrouvera sur les tablettes, entre celui de ta mère et de ta fille. Tu m’as souvent répété qu’il fallait visualiser ce que l’on désirait afin que nos rêves se réalisent. C’est à mon tour de te retourner cette phrase. Ce ne sera pas toujours facile et, oui, tu vas souvent avoir envie d’abandonner. C’est normal que tu doutes de toi et de ton histoire, mais sache que toute histoire mérite d’être racontée. De plus, chaque plume est unique donc, ne doute pas de toi et fait de ton mieux! Comme me l’a dit un jour un grand homme, écrit pour toi avant n’importe qui d’autre. Sur ce, je te souhaite une belle découverte de toi-même ainsi que tout ce que pourra t’apporter ce magnifique voyage. Bonne fête, papa. Et que cette nouvelle année te donne de nouveaux outils afin que tu puisses réaliser ce nouveau défi que la vie t’a donné. 



Ta fille qui t'aime,
Stéphanie <3 

Insomnie.

J'entends le cliquetis des branches qui s'entrechoquent tout près de ma fenêtre, comme s'ils voulaient communiquer avec qui saurait les entendre. Le souffle de dame Nature s'invite entre les cicatrices de la brique qui m'abritent, comme pour me chuchoter des secrets que je ne connais pas encore. L'intérieur des paupières décorées de fausses étoiles, c'est les yeux clos que mes oreilles dessinent les bruits qui donnent lentement vie à mes fabulations. J'ai la porte de l'univers au bout des doigts. Cet univers où l'encre de mon esprit conçoit toutes mes pensées sans qu'aucune parole forcée n'ait à franchir les barrières destructrices de mon imaginaire. C'est dans la pénombre et mon silence que naissent mes plus grandes affabulations. 

Travaux.

Ce soir je travail sur ma thèse et après avoir rencontré ma grand-mère pour des entrevues, c'est maintenant le temps de les copier à l'ordinateur afin d'en faire mes données théoriques. Je vous réserve un petit montage un peu plus tard. Vous êtes curieux?

Si vous voulez voir sa réaction lorsque je lui ai annoncé la nouvelle, cliquez ici et rejoignez mon groupe! 

Petites nouvelles.

Voilà un bon moment déjà que je n’ai pas écrit ici. Faute de temps? Un peu. Panne de motivation? Principalement. Je prends donc l’occasion de vous mettre à jour sur ce qui se passe présentement dans ma vie d’écrivaine et d’étudiante.

Pour ce qui est de mon roman, il est entre les mains de mon éditrice depuis le mois de septembre. Je n’ai toujours pas eu de nouvelles, mais je demeure positive. La dernière fois, elle a pris environ trois mois avant de me contacter. Je ne m’attends donc pas d’avoir de ses nouvelles avant Noël.  D’un autre côté, j’ai commencé l’écriture de mon tome deux. J’ai environ la moitié de mon plan de fait et une vingtaine de pages d’écrit. Après m’être autant plongé dans mon univers, j’ai ressenti le besoin de prolonger mon écriture en me lançant dans la création de mon deuxième tome. Cependant, la vie universitaire m’a rattrapé et j’ai dû tasser un peu le tout.

Ma thèse de maîtrise se déroule très bien! Mon but de le faire sur le roman de ma grand-mère s’est réalisé. Je ne connais pas encore le thème précis du côté théorique que j’aurai à faire, mais le plus important est que j’ai le privilège de le corriger et que l’étape finale de ma thèse sera la publication de son roman. Mon travail théorique sera abrégé et se trouvera au tout début du roman pour ceux qui voudront le lire. Je ne sais pas encore combien de copie je vais pouvoir faire, mais je vais tout faire pour que ma grand-mère vive une expérience extraordinaire avec ce projet.  Pour l’instant, je suis en train de le lire et j’ai fait une première entrevue avec ma grand-mère afin de me donner du matériel de travail. Je vais tenter de faire une petite biographie d’elle dans mon travail. Je crois que l’histoire de l’auteure est tout autant importante que sa création, puisque chaque plume est poussée par l’expérience de celui qui la tient. Ma grand-mère est très émotive lorsqu’on lui demande comment elle réagit face à cette superbe nouvelle. Elle n’arrive pas encore à croire qu’elle en soit rendue là. Si vous la croisez, ne vous gênez pas pour lui en parler et lui poser des questions! Je suis certaine que ça lui ferait plaisir.

Je suis en plein sprint final de semestre à l’université et je me serre les dents, puisque le semestre prochain sera encore plus difficile. Cependant, je m’encourage, puisque c’est mes tout derniers cours. Je termine ma scolarité en avril si tout va bien. Ce sera donc le marché du travail pour moi très bientôt. J’aimerai pouvoir acquérir de l’expérience tout en débutant les démarches pour ma maison d’édition. Entre temps, je vais devoir travailler sur ma thèse pour la terminer le plus rapidement possible. Même si je n’ai plus de cours, je vais quand même demeurer à l’université à temps partiel le temps de terminer officiellement ma maîtrise. Même si le tout me fait un peu peur, c’est également bien agréable de voir que tout va bien jusqu’à maintenant!


En parlant de projet et de maison d’édition… On m’a annoncé une très bonne nouvelle il y a de ça quelques jours. Un nouveau projet se pointe devant. Quelqu’un, tout près de moi, se lance dans l’écriture de son tout premier roman et cette personne m’a demandé de l’aider et de la coatcher. De plus, il s’agira probablement d’un de mes premiers projets de publication lorsque j’aurai ma propre maison d’édition. C’est donc une superbe opportunité pour moi que de pouvoir déjà commencé à travailler dans ce que j’aime. Je ne vous en dis pas plus là-dessus, puisque je compte y consacrer un article complet. Je laisse donc le suspense durer en ce qui a trait à l’identité de cette personne! 

Insomnie

Ce soir, le sommeil se fait absent. J’ai beau fermer mes yeux, mais rien ne se produit. Le vide que je tente de créer est décoré d’images et d’émotions. Même si mon âme n’a aucune raison d’être triste, même si la vie tout entière me  sourit… j’ai la tête lourde ce soir. J’ai donc décidé d’allumer mon ordinateur et d’écrire. Voyons ce que ça donnera :


L’ennui. Ce sentiment fort et puissant. Ce sentiment qui souffle lentement, à l’intérieur de nous, un ouragan qui, de temps en temps, nous coupe le souffle. Qui allume, nonchalamment, un feu naissant dont la fumée nous pique les yeux. Creusant sur nos joues, les rivières d’émotions que l’on garde parfois caché et enfoui. Que l’on croit absent, mais qui, les nuits d’insomnie, se met à briller comme des soleils. L’ennui. Un petit mot renfermant tellement d’histoire. Un mot qui, en un claquement de doigts, ravive en nous des images ou des désirs que l’on tente de chasser ou d’oublier. Une tornade d’impatience face à des évènements que l’on attend avec fébrilité. Le temps. Allié de l’ennui. Le sablier qui tourne et qui se retourne sans cesse, manipulant nos émotions. Torturant notre patience et notre anticipation. Les papillons qui s’endorment lentement dû au temps qui s’arrête presque complètement. L’attente se fait tellement longue que les heures ressemblent à des semaines entières. Et c’est les yeux fermés, lorsque toutes les lumières célestes sont allumées, que la nostalgie frappe à la porte. Notre corps frissonne. Notre âme à froid. Arrivent les souvenirs qui nous réchauffent comme des couvertures, mais qui cèdent lentement leur place à l’ennui. Encore lui qui s’impose effrontément. La seule façon d’y échapper, c’est de tenter de quitter notre propre tête le temps de quelques rêves. Voyager dans un monde que l’on contrôle, inconsciemment, et souhaiter que lorsque le jour se lèvera, le temps devienne notre allié et s’accélère.  Chassant l’ennui, ressuscitant les papillons et créant l’espoir que demain arrivera enfin. Pour que la couverture chaude qui nous recouvre le soir ne soit plus des souvenirs, mais bien un moment présent rassurant. Le moment où l’ennui n’existe plus, ni même un peu. Où le seul ouragan qui existe est créé par les ailes des papillons qui frémissent sous les astres célestes que les fenêtres de l’âme nous présentent. L’ennui. Le sentiment qu’un seul baiser peut chasser. - 25 septembre 2013

Droit d'auteur : Stéphanie Dugas

Encore une fois

L'année dernière, le 21 septembre, j'envoyais pour la toute première fois mon manuscrit en compagnie de ma cousine Catherine et de son amoureux Rémi le jour de l'anniversaire de ma grand-mère Dugas. Cette combinaison m'a porté chance. Au mois de décembre, je recevais des nouvelles concernant mon roman. Mon éditrice me conseillait quelques modifications à faire ainsi que quelques corrections. Elle ne me donnait pas encore son approbation pour me publier, mais me confiait aimer la trame de mon histoire. Rien n'était gagné, mais rien n'était perdu! C'était donc de bonnes nouvelles. Je suis demeurée confiante et j'ai retravaillé mon histoire pendant presque un an. Cette année, j'envoie mon manuscrit pour mon anniversaire, ce lundi 16 septembre, en compagnie de mon amoureux André. Elle mentionne également que cela peut prendre jusqu'à 3 mois avant que j'aie des nouvelles. Cette fois-ci, j'ai le sentiment que la réponse que je recevrais me confirmera si oui, ou non, elle acceptera de me publier. Je suis un peu plus nerveuse que l'an passé, mais je demeure très confiante. Vos encouragements sont également ce qui m'aide à persévérer! Croisez-vous les doigts avec moi!


Diversité.

Voici quelques textes que j'ai écrits en 2013. 

Regarde dans mes yeux. Regarde bien au fond de ceux-ci. Entre le brun, le vert et le gris. Oublie la mer et les vagues, prolonge seulement ton regard vers l’horizon. Oublie les nuages ou la pluie et concentre-toi sur le ciel étoilé. Examine bien cette étoile, au fond du ciel. Celle qui brille le plus. Laisse-toi guider par elle. Comme un marin en mer, tu trouveras refuge en suivant l’astre du ciel qui éclaire le plus. Laisse tes pieds glisser dans le sable chaud d’une terre vierge. Étends-toi sur la plage que j’ai à t’offrir et respire. Respire l’air de la mer et de la liberté. La liberté que chaque marin mérite après un long voyage entre les vagues puissantes et menaçantes de la vie. Souffle. Expire le mal qui te tiraille. Recrache l’eau salée que ton expédition t’a obligé à avaler. Vide tes poumons. Détends-toi. Laisse la chaleur de mon île t’envelopper, te réconforter et te protéger. Je ne peux pas te promettre que jamais la tempête ne viendra noyer mes rivages, mais tu n’as qu’à y construire ton domicile et chaque fois, la vague, à la fin de tes voyages, te portera jusqu’à moi. Je serai toujours là. Fidèle. Ensemble, l’un protégeant l’autre contre chacune des tempêtes. L’île ne sera plus vierge et le marin ne sera plus jamais perdu. 

                             *              *             *

J’aurais voulu jeter le blâme de mes mains tremblantes sur le vin que je venais de consommer. J’aurais voulu accuser l’alcool pour la chaleur qui m’enveloppait du cœur jusqu’aux joues. J’aurais voulu reprocher à la boisson la maladresse qui m’empoignait au niveau des genoux. J’aurais voulu, mais je n’aurai pas pu. Je ne peux pas nier les émotions, les sentiments et les réactions que mon corps éprouve lorsque d’un seul regard, tout bascule. Lorsque le maelstrom d’embrasement me noie d’un feu intérieur qu’une simple brise enracine profondément en moi. Lorsque je perds pied en m’accrochant aux papillons qui battent des ailes pour survivre à la tempête violente et incontrôlable qui m’ébranle tout entières. Les voix et le son des instruments que j’étais venu écouter m’apparaissaient aussi lointains qu’inaccessibles. La plus belle mélodie et le plus beau poème étaient joués par les battements de mon cœur qui s’affolait dû à ta proximité et à ta présence. Tes doigts sur ma nuque, comme un collier, me confirmaient ton emprise. Cette emprise sur la liberté que j’ai décidé de t’offrir. T’appartenir. Entière. S’accorder à tes mains comme le feraient les notes d’un piano et te jouer la plus douce des berceuses pour que ma musique t’enivre jusqu’au matin. Pour qu’entre un verre de vin et de la musique, ce soit moi que tu récites en poème et que ce soit toi cette montagne lointaine et inaccessible. La montagne que j’aurais gravie malgré mon vertige pour pouvoir crier au monde entier : je l’ai conquis. 

                     *                       *                            *

         La neige et le vent à l’extérieur ne sont que le prolongement de mon âme qui agonise. Le froid est celui de mon être qui se tord de douleur et qui préfère endormir le mal plutôt que de le ressentir. La noirceur qui tombe sur la ville est l’étoile qui s’éteint au fond de ses yeux et créera ma perte lorsque la mer sera noire et que le bateau s’échouera contre les rochers. Il n’aura été qu’une sirène de plus à m’envouter. Riez, vous là-haut qui contrôlez tout. Tirez sur les fils et dirigez ma vie tant que vous le voudrez. Un jour, j’écrirais ma propre destinée et aucune ficelle ne pourra s’attacher à l’encre sur mon papier. Le pantin que vous faites de moi ne sera plus sous votre emprise et ce jour-là, c’est vous qui pleurerez. Moi, je rirais. 


                       *                              *                             *

Lorsque j’étais enfant, je croyais que la plus grande douleur que je pouvais expérimenter était celle que je ressentais suite à mes chutes. Le moment où la terre et les cailloux se heurtaient violemment contre ma peau jusqu’à créer des fissures ou des crevasses rougeâtres sur mes genoux ou mes coudes. Ce qui était bien, à cette époque-là, c’est qu’un baiser et un pansement arrivaient à faire oublier le mal. Camoufler la blessure et cesser de souffrir; c’était aussi simple que ça. Et même lorsque je tombais, je me relevais et continuais ma course, car je savais que le mal partirait une fois la plaie recouverte. 
Cependant, on ne m’avait jamais dit qu’en vieillissant, je connaîtrais des blessures beaucoup plus profondes et douloureuses. Des lésions qu’aucun bandage ne serait en mesure de faire disparaître. Que mes chutes se feraient dans des gouffres davantage profonds et que me relever me serait chaque fois plus difficile. Maintenant adulte, je choisis les jeux auxquels je joue. J’en connais les règlements et même si je savais exactement où le précipice commençait, je m’y suis jeté en espérant que mon parachute s’ouvre au bon moment. Il s’est ouvert, mais je suis accroché contre une des parois coupantes de l’abîme et chaque tentative pour remonter me blesse. J’ai l’impression que je vais y laisser une partie de moi. J’ai beau m’y accrocher de toutes mes forces, je me sens déjà glisser hors de ma portée. Je vois ses yeux au fond de ce trou et même si j’ai envie de tout lâcher pour le rejoindre, je sais que je dois le laisser partir. Même si pour cela, je dois y laisser un morceau de moi. Ce fragment de ma vie que je lui ai entièrement donnée, il doit repartir avec lui. Et si je lève les yeux au ciel, j’y vois tous nos bons moments et toutes les fois où il a accroché un sourire sur mes lèvres en effaçant, d’un seul regard, toutes mes douleurs passées.
Aujourd’hui, une nouvelle cicatrice s’est dessinée sur l’enveloppe de mon âme. Elle a rejoint les autres que je collectionne depuis vingt-deux ans. Toutes les coupures que j’aurais sur mes mains pour avoir remonté, lentement mais sûrement, le précipice auront une valeur. La douleur sera une leçon pour le futur. Et même si ma tête me chuchote : pourquoi souffres-tu encore et toujours ? Mon cœur me répond : tu comprendras un jour.

                                  *                           *                             *

Il vient un temps dans la vie où, parfois, on a envie de tout abandonner. On souhaite tout simplement survivre dans une société où plus rien ne nous émerveille et où il nous est difficile de respirer. Puis, parfois, il y a, derrière un nuage, une surprise inattendue qui nous propulse, sans demander la permission, vers des monts que l’on croyait inaccessibles. Nos poumons s’emplissent d’espoir, notre tête de rêves et notre cœur s’emballe à nouveau comme lorsque l’on était enfant. Sourire redevient facile et naturel, respirer redevient agréable et rêver redevient vital. Lentement, le soleil caresse de ses rayons, l’espoir qui décore notre visage en permanence et nous illumine comme la pleine lune surplombant une forêt ténébreuse. Nos problèmes nous semblent banals et l’on se sent capable de vaincre n’importe quel obstacle. Tout est à notre portée, puisque nous marchons, à présent, main dans la main avec les deux parties de nous-mêmes. Le vide qui, toute ma vie demandait à être rempli, a retrouvé la pièce du casse-tête qui, comme effet secondaire, créer une constellation dans mes prunelles arc-en-ciel. 

                                  *                           *                             *
Le passé fait de nous, qui nous sommes. Le présent sert à faire des expériences, alors que le futur est une page blanche sur laquelle on écrira notre propre histoire. La vie est parsemée de chemin, parfois droit, parfois sinueux, mais un jour on comprend que l’on est exactement là où l'on doit être. Des gens vont et viennent dans notre vie, jusqu’au jour où l’on comprend qui restera et qui partira. Et bien que l’essentiel soit invisible pour les yeux, il ne s’agit parfois que d’un geste ou d’un regard pour que l’on désire rendre certaines pages de notre livre immortelles. Certains chapitres de vie s’écrivent mieux à deux… et tu es, aujourd’hui et pour toujours, l’inspiration dans mon cœur et l’encre de ma plume. ( Ceci est un texte écrit pour mon amoureux André.)

                                      *                                *                              *

On a souvent peur des changements, mais c’est parfois lors de ceux-ci que l’on découvre vraiment qui on est. C’est lorsque l’on est forcé de sortir hors de notre zone de confort que la vie prend de la couleur. C’est lorsque l’on croit que c’est la fin, que tout commence. Osez pour avancer. Avancez pour vivre. Et même si aujourd’hui je suis différente, je reste toujours la même. Car même si notre tête et notre physique changent, notre cœur demeure toujours inchangé. Il est seulement plus fort. Je suis seulement plus forte. 


Droit d'auteur : Stéphanie Dugas

Le médaillon de l’avenir.

Voici un texte que j'ai écrit en novembre 2012. Il s'agit du texte que j'ai créé pour mon mémoire de fin de baccalauréat. Cependant, ceci n'est que le brouillon et n'est donc pas la version finale ni corrigée. 


Le médaillon de l’avenir

-          L’automne est arrivé et les feuilles recouvrent pour la quatrième fois ta demeure. Les entrailles presque gelées de la Terre te retiennent prisonnière de nos yeux. L’enveloppe de ton âme ne souffre plus. Tu as tellement vécu que des empreintes de toi sont visibles dans l’inconscient des gens qui t’ont connu. Les traces de ton sourire allègent encore le cœur de ceux qui pleurent ton absence. Pour l’homme sceptique, la mort vient mettre un terme définitif à sa destinée. Pour d’autres, la mort n’est qu’un passage obligatoire que tout être doit prendre un jour ou l’autre. Toi, tu faisais partie de la deuxième catégorie. Tes valises étaient prêtes depuis bien longtemps. J’aimerais te dire que j’accepte ton départ aussi facilement que tu l’as fait, mais tu saurais que je te mens. Je ne l’accepte pas.
Ce serait un mensonge de dire que je viens fréquemment visiter son éternelle demeure. Si je n’y vais pas souvent c’est parce que chaque fois, j’en veux au ciel de l’avoir envoyé sous terre. Elle était si jeune et ne méritait pas de souffrir l’équivalent des maux d’une vie plus longue que la sienne. Je suis rongé depuis trop longtemps par ce départ injuste et brutal. Cette journée-là, il y avait une très imposante tempête de neige. Comme si le voleur avait voulu camoufler ses pistes. Le printemps qui suivit, une branche de notre arbre généalogique n’avait pas survécu à l’hiver. Elle se décomposait en terre avec les dizaines d’autres qui l’avaient devancée.
J’arrive parfois à engourdir cette peine jusqu’à l’oublier momentanément. Aujourd’hui, la brûlure est vive. J’ai décidé d’aller me promener dans la forêt derrière ma maison afin que le vent de l’automne chasse ma peine comme il libère les arbres du fardeau de la saison verte. Toute ma vie, j’ai grandi en campagne. Même si l’université me force à vivre en ville huit mois par année, je reviens toujours à mes sources lorsque nécessaire. Combien de fois ai-je marché dans ce sentier ? Je ne crois pas que l’on peut réellement les compter. Je me demande si les racines de cette herbe jaunie se souviennent de l’enfant en moi qui préférait kidnapper des grenouilles plutôt que de cueillir des fraises avec ma grand-mère. Je me demande, lorsque l’herbe me chatouille les mollets de ses grands bras, si elle se remémore aussi clairement que moi les secrets que je suis venue leur confier tout bas lorsque aucune oreille humaine n’avait la capacité de m’écouter. C’est comme cet arbre penché comme un vieillard. Se souvient-il de m’avoir portée sur son dos ? Je vois encore les traces de mon adolescence sur sa peau grise et ridée. Le printemps, il ne fleurit presque plus, mais ses racines imposantes semblent s’accrocher à la vie et chaque fois je souris de voir que sa chevelure est encore verte.
La vie, n’est-ce pas ça ? Pleins de petits souvenirs tatoués dans notre mémoire et qui font surface pour nous rappeler le parcours que l’on a fait. Ce que je trouve dommage, c’est que ces souvenirs sont gaspillés une fois que l’on arrive au bout de notre chemin. Les histoires que l’on n’aura jamais racontées ou écrites auront été créées que pour notre seul plaisir. Combien de fois ai-je demandé à ma mère de me parler de mes arrière-grands-parents ? Mais j’oublie chaque fois qu’ils sont morts avant sa naissance et comme je ne connais personne qui les a connus, les souvenirs d’eux sont perdus à jamais. Ce serait bien que la technologie invente une machine capable d’enregistrer tous nos souvenirs, même ceux que l’on oublie.
Je marche depuis plusieurs minutes déjà. Je me perds dans mes pensées et mes yeux s’accrochent aux détails de la nature qui font partie de mon enfance. Sur la droite du sentier, une clôture de bois rond vieille de cinquante ans marque la fin de notre territoire. À l’œil, le matériau naturel semble encore résistant, mais les années l’ont affaibli et le bois se défait au moindre touché. Mon grand-père me dirait que le bois est devenu coti. J’ai toujours aimé ces clôtures. Elles n’ont aucun clou, aucune décoration artificielle, mais elles attirent l’œil comme une fleur rare. On m’a dit un jour que c’était mon arrière-grand-père qui les avait faites. Chaque fois que je viens marcher ici, j’ai toujours le sentiment étrange que ma famille maternelle me tient par la main. Cela me calme et me rassure immanquablement.
Jusqu’ici, le soleil filtre les branches des arbres et réussit à se faire un chemin entre les chapeaux multicolores que revêt la forêt pour la saison. Même si les rayons de l’astre m’atteignent, mon souffle fait quand même de la boucane à cause la froideur de l’air. Mon menton est caché par un foulard de laine vert que j’ai reçu en cadeau. Mes bottillons écrasent sans remords les feuilles plus faibles qui servent déjà de couverture à la terre gelée. Habituellement, je ne me rends jamais aussi loin dans ma marche. Lorsque j’aperçois le gros pin qui surplombe tous les arbres d’au moins une tête, je me considère assez loin et je rebrousse chemin. Cette fois-ci, ma peine est tellement vive que je décide de continuer un peu. Je choisis donc de marquer de souvenirs ce coin encore vierge de la forêt.
Plus je marche, plus les arbres se collent les uns sur les autres. Comme s’ils essayaient de se réchauffer. Je ne ressens plus la chaleur du soleil et le vent semble plus froid contre la peau rougie de mon visage non couvert. Même si ce n’est pas la première fois que je marche ici, j’ai l’impression de découvrir de l’inconnu. Je n’avais jamais vu ce tronc d’arbre recouvert de son manteau de mousse humide. Je n’avais jamais vu ce gros érable qui semble avoir été frappé par la foudre pendant une journée de malchance. Mon esprit vagabonde et j’essaie de deviner ce qui a pu arriver ici pendant ces vingt dernières années. Le sentier commence à s’amincir et je dois enjamber ici et là quelques arbres que la nature a brisés. Après plusieurs minutes, je me retourne et je constate que le paysage derrière moi ne se ressemble plus. Un élan de panique remplit mon cœur et je décide de rebrousser chemin.
C’est à ce moment que mes yeux s’accrochent sur quelque chose. Ce quelque chose empêche mon corps de suivre l’ordre que mon cerveau venait de lui transmettre. Je cligne des yeux à quelques reprises, mais le scintillement argenté que j’aperçois au loin ne s’estompe pas. J’hésite un peu avant de continuer, mais ma vilaine curiosité m’oblige à avancer. À quelques mètres de moi, sur la branche d’un arbre se situant à la hauteur de ma tête, est accroché quelque chose qui brille sous l’unique rayon de soleil qui le touche. En marchant, ma cheville reste coincée sur un morceau de tronc d’arbre et en dégageant nerveusement ma jambe, j’entends le bruit de mon jeans qui se déchire. Aussitôt, le vent fait dresser sur l’épiderme de mon mollet des frissons que je devine visibles. Subjuguée par l’étrange objet, j’oublie qu’il s’agissait de mon pantalon préféré.
Je tends la main et mes doigts se referment autour du bijou. Aussitôt, il cesse de scintiller. En prenant bien soin de ne pas l’abîmer, je le décroche du bras squelettique qui le tenait prisonnier et je le dépose dans la paume de ma main. Quel curieux petit pendentif ! Il a environ la taille d’un deux dollars et il a la forme d’une étoile. En l’examinant de plus près, j’aperçois une ouverture. J’essaie de l’ouvrir, mais il semble brisé par le temps. Qui a bien pu perdre ce collier ici ? Personne ne vient sur cette terre à part nous et je n’ai jamais vu ce bijou avant aujourd’hui. Je l’examine encore un peu et je décide qu’il est vraiment temps de retourner à la maison. Je glisse ma découverte dans la poche de mon manteau et je reviens sur mes pas, complètement perdus dans mes pensées.
Mes yeux cherchent les points de repère que j’avais vus quelques minutes plus tôt, mais je ne vois aucune trace du tronc recouvert de mousse ou de l’arbre foudroyé. Il n’y a qu’un sentier alors il est donc impossible que je me sois perdue. Au loin, j’aperçois soudainement le sommet du pin géant et je commence à mieux respirer. Je marche sans regarder derrière moi, comme si j’étais pourchassée par quelque chose d’invisible qui faisait dresser les poils sur ma nuque. Furtivement, mes yeux regardent le sol afin de ne pas trébucher et je me rends compte que je suis presque en train de courir. Le vent, qui soufflait contre mon dos, me heurte à présent le visage et des larmes involontaires noient mes yeux. J’aime bien l’automne, mais je me passerais volontiers de ce temps froid et venteux.
Un mouvement près du gros pin me fait soudainement figer. Un ours ? Un loup ? Non, impossible. Il n’y a plus de loup dans la région depuis bien des années et les ours ne se promènent pas aussi près des maisons. Je reconnais, en essuyant les larmes que le vent créer dans mes yeux, la forme d’un humain. Ma mère serait-elle venue marcher elle aussi ? Je croyais être seule à la maison jusqu’au souper. Où est-ce peut-être le voisin qui a traversé la clôture naturelle que ma famille avait construite ? Je ralentis la cadence et je fronce les sourcils afin de mieux voir. Le soleil m’aveugle et je dois m’approcher davantage avant de prendre conscience qu’il s’agit d’un homme. Il est droit comme un piquet et me regarde. Je continue nerveusement à avancer vers lui, sachant que d’une façon ou d’une autre, c’est le seul chemin vers la maison.
-          Qui êtes-vous ? m’entendis-je crier.
Mais aucune réponse ne vint. Son corps me fait face, mais je ne parviens pas à voir ses yeux. Il ne ressemble pas non plus à notre voisin. Il est bien que trop grand ! Lentement, je le vois lever la main dans ma direction pour me faire signe d’approcher. C’est comme s’il vient de prendre conscience que je le vois. J’accélère la cadence, mais mes pieds se figent sur place lorsque la proximité me permet de l’observer correctement. Un cri de frayeur s’étouffe dans ma gorge et je sens mon cœur s’accélérer, s’arrêter, puis repartir sur une course folle. Prise de panique, je porte mes mains devant mes yeux, puis j’essaie de me dire que la fatigue des derniers jours me fait halluciner. Ce que je venais de voir n’avait rien de physiquement normal. Tremblante, je consens à dégager mes yeux. Il est toujours là. Debout, face à moi.
Il a tout d’un homme ordinaire. Il a deux bras, deux jambes. Il a toutes les caractéristiques qui me permettent d’affirmer qu’il s’agit bien d’un être humain. Cependant, ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est la texture de son corps. Tout de lui est d’une teinte grise et transparente. Il me fait penser à une goutte d’eau et la réalité me parait déformée derrière lui. Pourtant, je n’ai pas bu. Son visage dessine un sourire et mon premier réflexe est de reculer de quelques pas. Ses yeux vitreux me regardent intensément et je me mets à examiner avec plus d’attention la forme de ceux-ci. Soudainement, son visage me revient en tête. Ma grand-mère avait le portrait d’un homme qui lui ressemblait étrangement. C’est à ce moment que je comprends que je me retrouve face à ce que l’on appelle un fantôme, un mort, un esprit. Un humain sans coquille solide.
-          Est-ce que vous êtes mon arrière-grand-père ? dis-je d’une voix tremblante.
-          C’est exact. Je suis le père de ta grand-mère maternelle, me répond-il d’une voix rauque qui me glace le sang. Je te regarde grandir depuis tellement longtemps. Je suis surpris que tu me voies enfin.
-          Pas autant surprise que moi, ça, j’en suis certaine.
J’essaie de chasser la peur qui me dévore toujours les entrailles. S’il s’agit d’un mirage, je me traiterai de folle plus tard. S’il s’agit d’un rêve, alors je rirai en racontant mon rêve aux autres. Mais si c’est la réalité, je veux en savoir plus ! Il tourne la tête vers la clôture et sourit. Cette fois-ci, son sourire a quelque chose d’apaisant. Ses yeux semblent caresser le bois comme le ferait le vent du printemps.
-          Je t’entendais penser tout à l’heure, commence-t-il en tournant à nouveau son visage vers moi. Je suis bel et bien celui qui a construit ces clôtures et je suis heureux de voir qu’elles survivent aussi bien au temps.
-          Vous m’entendiez penser ?
-          Oui. Comme je n’ai plus de corps, j’ai directement accès à ton esprit. Mais ce n’est pas parce que je n’ai plus de corps que je suis différent de qui j’étais. Je t’entendais également penser au sujet des souvenirs. Est-ce que tu veux que je te raconte quelque chose que seul moi peux te raconter ?
-          Oh ! dis-je en souriant. J’en serais vraiment très heureuse !
-          Fais-moi d’abord une promesse.
-          Oui, tout ce que vous voudrez !
-          Écris ce souvenir afin qu’il ne s’oublie pas.
Je sens mon cœur se gonfler d’une joie indescriptible. Suis-je vraiment sur le point d’entendre une histoire oubliée ? Une histoire que je croyais perdue à tout jamais dans le passé ? Devant mon sourire radieux, mon arrière-grand-père appuie son épaule contre le pin et je m’aperçois que son regard balaye l’horizon derrière moi. Je suis surprise de constater que même s’il est translucide, il agit et se comporte comme le ferait n’importe quel être humain normal.
-          Tu vois, au loin, le champ derrière toi ? demande-t-il en me pointant la direction que mes yeux doivent prendre. Lorsque j’étais enfant, mes frères, mes sœurs et moi, nous venions jouer ici. De l’autre côté du champ, là où tu peux apercevoir des bouleaux et des sapins, il y avait autrefois une ferme. C’était la ferme de mon oncle. Nos parents nous disaient de ne pas venir faire inutilement peur aux animaux. Nous, ne comprenant pas l’ampleur de l’avertissement, nous venions y jouer quand même. Un jour, mon grand frère m’avait mis au défi d’aller voler tous les œufs des poules. Je ne devais avoir que dix ans et bien sûr, j’ai relevé son défi. Chaque semaine, c’était à quelqu’un d’autre d’aller voler les œufs. Un jour, nous étions à la maison et mon oncle est venu nous visiter. Pendant qu’il parlait avec mon père, mon frère et moi avons entendu mon oncle parler de ses poules. Il venait de toutes les tuer, car depuis quelques semaines, elles ne pondaient presque plus. Imagine notre réaction. Mon père, sans réagir, savait que trop bien que nous avions quelque chose à voir avec cette histoire.
En entendant la fin de son histoire, je me suis mise à rire à gorge déployée. Son visage s’étire en un grand sourire et ses yeux me dévisagent d’une façon paternelle. Puis, je le vois tourner la tête dans la direction que je dois prendre pour retrouver le confort de ma maison. Curieusement, je ne veux pas partir. Ma peur s’est complètement évanouie pendant qu’il me racontait son histoire.
-          Je dois partir. D’autres gens ont besoin de ma présence, mais sache que ceux que tu aimes ne t’ont jamais vraiment quitté. Lorsque tu sens sur ta peau un souffle apaisant, c’est nous. Ne ferme pas ton esprit et ta douleur en sera moindre.
-          Merci, répondis-je en souriant.
En se retournant, il m’adresse un signe de la main et petit à petit, son corps se met à disparaître. Je suis triste de le voir partir, mais une partie de moi sait à présent que chaque fois que je marche sur cette terre, il me tient véritablement par la main.
Pendant que mes pieds me guident presque automatiquement vers le sentier qui mène chez moi, mon cerveau ne cesse de se demander si ce qu’il a vu est bel et bien réel. J’étais loin de me douter que cette simple promenade, comme j’en fais souvent, me ferait vivre quelque chose d’aussi merveilleux. J’ai l’impression que le soleil ne me réchauffe pas que la peau, mais que ses rayons m’atteignent le cœur. Même si sa présence baisse lentement dans le ciel, il demeure à son zénith dans mon cœur. Mes yeux sont soudainement attirés vers quelques choses de très lumineux et qui se tient debout sur le sentier. Mon cœur cesse de battre. Un autre ?
J’avance rapidement. J’ai peur qu’elle parte avant que j’arrive. Elle est de dos et je reconnais très facilement sa longue chevelure chocolatée. En dirait une cascade de cacao. J’accueille ce deuxième fantôme comme un cadeau du ciel. Je ne cherche plus à comprendre pourquoi tout cela m’arrive. Je profite simplement du moment présent.
Je cours et le souffle commence à me manquer.
-          Ne pars pas ! dis-je lorsque je vois sa lumière faiblir.
-          Pardon ? demande-t-elle en se retournant, surprise.
Appuyée sur mes genoux, je reprends mon souffle. Ma cousine me regarde fixement. Elle semble en état de choc, alors que c’est moi qui souris bêtement. La jeune fille que j’ai vue mourir dans un accident de voiture, six ans plus tôt, n’a pas changé d’une seule miette. Elle est identique à mes souvenirs. C’est à ce moment précis que je me rends compte que ses grands yeux bruns m’avaient énormément manqué. La robe fluide qui recouvre son corps blanc me fait penser à une tenue d’ange.
-          Tu me vois ? s’étonne-t-elle en s’approchant gracieusement de moi.
-          Oui ! Je ne sais pas pourquoi, mais tu es la deuxième que je vois en quelques minutes !
-          Je ne savais pas que tu avais le don de nous voir.
-          Moi non plus.
Un sourire bienveillant éclaire son visage et rehausse ses pommettes. Maintenant, elle semble aussi heureuse que moi.
-          Je ne pensais pas te revoir un jour, dis-je avec émotion. Je ne sais pas pour combien de temps je vais pouvoir te voir, alors est-ce que tu me ferais une faveur ?
-          Tout ce que tu veux.
-          Raconte-moi un souvenir. Quelque chose que tu n’as jamais dit à personne. Quelque chose que je vais pouvoir écrire et immortaliser.
Pendant un moment, elle semble songeuse, puis elle croise ses bras. Elle se met à marcher autour de moi, mais je n’entends pas ses pas. Son corps flotte au-dessus de l’herbe et l’effleure comme la caresse du vent. Quelques feuilles mortes se sauvent et je comprends maintenant que les éléments renferment bien des secrets.
-          C’était le soir de mes dix ans, commence-t-elle en levant les yeux vers le ciel. Je fêtais mon anniversaire le lendemain. J’étais surexcitée et je dansais sur de la musique que je venais de recevoir. Il est important de mentionner que j’étais seule dans ma chambre. J’ai soudainement eu la brillante idée de vouloir sauter sur mon lit, mais mes jambes ont décidé de ne pas suivre et je me suis écrasé le visage contre le sol. Résultat, je me suis retrouvée à l’hôpital pour des points de suture et ma fête d’anniversaire a dû être annulée, car je ne voulais pas que personne ne me voie dans cet état.
-          Oui, je m’en souviens ! Ce souvenir existait toujours dans ma mémoire, dis-je tristement.
-          Oui, mais ce que tu ne sais pas, c’est que j’avais fait croire à ma mère que c’était autre chose qui m’était arrivé ! J’avais trop honte d’avouer que ma propre maladresse m’avait défigurée. Tu vois, ça, c’est la première fois que je le dis à quelqu’un.
Elle venait de me faire sourire. Non pas parce que son histoire était cocasse, mais parce que je me souviens très bien de nous à cet âge-là et ça me manque. L’âge de la naïveté. Cependant, il faut que j’accepte que le temps avance et qu’il ne recule pas. On ne peut pas aller plus d'une journée à la fois, ni plus d'une minute, mais ce qui est certain, c'est qu'on ne peut pas revenir en arrière. Ni une journée ni une minute. Alors si l’on n'avance pas, on ne va nulle part. En réfléchissant, j’ai aussi pris conscience qu’il y a beaucoup de possibilités qui s’ouvrent à nous dans la vie. Cependant, il y a aussi beaucoup de choses que l’on ne pourra plus jamais revivre. On n’aura jamais plus l’innocence d’un nouveau-né. On ne sera jamais plus un enfant, où nos seules préoccupations étaient de savoir à quels jeux on allait jouer. On ne refera jamais plus notre primaire ni notre secondaire. Je ne rencontrerai jamais plus mes amis pour la première fois. Je n’aurai plus jamais seize, dix-huit ou vingt ans ! La vie est faite de portes que l’on doit ouvrir et fermer. La vie est remplie de tempêtes à surmonter. Mais, ce qu'il y a de beau avec les tempêtes, c'est qu'en son centre, il y a toujours un moment d’accalmie. De cette façon, je peux reprendre des forces avant la prochaine vague. Je commence sérieusement à me demander si ce que je vis présentement ne serait pas l’une de ces accalmies qui me permettront de fermer une porte.
-          Je dois partir, quelqu’un d’autre a besoin de moi, continue ma cousine en souriant. Je suis toujours près de toi, ma très chère. Il n’y a qu’une porte qui nous sépare et même si tu me manques, je travaille à ce que ta porte à toi soit encore bien loin sur ton parcours.
Sa dernière phrase s’était évanouie dans un chuchotement. Elle est partie. Sa lumière n’est plus là et sa présence rassurante non plus. Je commence à prendre conscience que mon cœur se fait de plus en plus léger. Ces rencontres me font du bien. Je commence également à me dire qu’elles n’ont pas été mises sur ma route pour rien. Ma mère va-t-elle me croire lorsque je vais lui raconter tout ça ? Au fond je m’en fous un peu. Ces rencontrent me sont destinées. Non ?
Il n’y a personne à la maison. Je suis seule. Je referme la porte derrière moi et j’ai l’impression que je viens de couper le lien qui m’unissait avec ces apparitions étranges. Je dépose mon manteau sur la chaise et je sursaute en entendant un cliquetis sur le plancher. Le collier ! Je l’avais oublié ! Je me penche pour le ramasser, mais une brise froide soulève les poils de ma nuque. Je me retourne rapidement et je sens aussitôt les larmes me monter aux yeux. Je n’attendais pas sa visite. Faux. Je l’attendais, mais je ne voulais pas me faire de faux espoirs.
 J’ai envie de la serrer, de l’embrasser. Ses cheveux argentés brillent de la même façon que le fait la neige sous les rayons de la lune. Sa peau ne porte plus de traces de sa maladie. Même ses rides semblent moins prononcées. De son vivant, jamais je ne l’ai vu sourire comme elle le fait présentement. Elle sourit comme le ferait n’importe quelle femme après s’être libérée d’un fardeau immense. Son fardeau à elle, c’était sa propre vie. Le vert de ses yeux me fait penser à l’émeraude de ma bague. De tous ses traits, il y en a un qui me marque et me touche particulièrement : elle est debout. Ses jambes lui ont été rendues. Je les devine en santé sous sa robe blanche, la même que portait ma cousine. Plus je regarde ma grand-mère, plus je me dis que si elle avait des ailes, elle ressemblerait à un ange. Cet ange qu’elle voulait tant devenir et qu’elle a tant mérité d’être.
-          Je t’aime tellement, me dit-elle en souriant.
Aussitôt, mes yeux s’inondent. Le Nil s’étend sur mes joues et je me dépêche à effacer mes larmes du revers de ma main. Jamais je ne croyais entendre ces paroles à nouveau. Sa voix n’a pas changé et je suis heureuse de constater que son amour non plus.
-          Regarde-toi ! continue-t-elle en me détaillant. Quand je suis partie, tu n’étais qu’une adolescente et te voilà devenu une femme ! Si tu savais combien je suis fière de toi, de ce que tu es devenue, de ce que tu es. Je t’entends souvent me demander de t’aider à prendre les bonnes décisions et quand tu réussis un bon coup, tu me remercies. Apprends à te faire confiance, puisque ces bons coups n’ont été réalisés que grâce à toi. Je n’y suis pour rien. Je te caresse le visage la nuit pour te protéger des mauvais rêves, je te tiens par la main afin de t’éloigner du danger, mais je te laisse prendre tes propres décisions. Apprends à faire des erreurs et à les apprécier. Elles te donnent la force d’affronter la vie.
-          Tu me manques, dis-je en respirant profondément. Tes conseils me manquent.
-          Tu n’as plus besoin de mes conseils. Tu es rendue à la croisée des chemins où tu dois tout apprendre et vivre par toi-même pour qu’un jour, toi aussi, tu puisses conseiller les autres. Je sais que mon départ t’a causé beaucoup de peine, mais tu dois continuer à vivre et à être heureuse. Des gens vont entrer et sortir de ta vie et c’est comme ça que ça doit se faire.
-          Oui, mais c’est difficile de vivre en se disant que l’on existe pour disparaitre. Que tout ce que l’on fait, tout ce que l’on est, ne sera plus.
-          Ce que tu as vu aujourd’hui te prouve que tu as tort.
-          Et que tu avais raison, dis-je en souriant sincèrement.
-          La mort n’est qu’un passage obligatoire que tout être doit prendre un jour ou l’autre. Profite de la vie. Elle est parfois difficile et triste, mais tu ne connaîtras jamais rien de mieux que la joie et l’amour. Fais des erreurs, tombe amoureuse, pleure et ris. Mais ne pleure pas ceux qui ont trépassé depuis longtemps, puisqu’il n’y a rien de triste dans le fait d’avoir accompli sa destinée.
-          Quelle était ta destinée ?
-          Tu es ma destinée. Tu es la raison pour laquelle je devais exister.

Ces paroles me touchent au cœur comme la flèche d’un arc. Je ne sais pas si je suis triste ou heureuse, mais ces paroles seront gravées dans ma tête à tout jamais.
-          Promets-moi une chose, continue-t-elle en souriant. Cherche le bonheur jusqu’à ce que tu le trouves, et ce, même si je ne suis plus de ce monde. Tu dois penser à toi, car tu es la personne la plus importante de ta vie. Sans toi, ta vie n’existe plus et tu n’en as qu’une, alors fais en sorte d’accomplir ta destinée. J’ai mis quelqu’un sur ton chemin. Tu le rencontreras bientôt. Sa destinée à lui est de t’aimer, d’être présent à tes côtés et de prendre soin de toi. Tu n’auras plus de raison de pleurer, ni pour moi, ni pour personne d’autre. Sois heureuse pour lui, mais surtout pour toi. Profite de toutes ces petites merveilles et de tous ces sentiments magiques que la vie a à t’offrir.
-          Comment vais-je savoir que c’est lui ?
-          La lune a toujours été ta source de réconfort lors de tes moments de noirceur. Elle a toujours été ta lumière dans les ténèbres. Mais lui, il sera ton soleil et ses rayons chasseront à jamais cette ombre sur ton cœur. Tu le reconnaîtras lorsque tu l’auras trouvé. Ses rayons te traverseront et te couperont le souffle. Ce ne sera que l’union de vos deux destinées et ce jour-là, je te promets que ta solitude s’évanouira. Que tous tes maux s’éclipseront. La vie semblera vouloir vous éloigner, mais fait confiance à la providence.
-          Pourquoi me dis-tu tout ça ?
-          Parce que c’est le quatrième et le dernier automne que tu songeras à ma mort comme une blessure. Je suis ici pour guérir ton cœur et te permettre de t’épanouir. Je suis ici pour que tu acceptes mon départ et que tu cesses d’en vouloir au ciel. Tu ne devrais pas te soucier de ceux qui ont vécu, mais te soucier de ce que tu as à vivre.
Même morte, ma grand-mère réussit à me consoler et à me raisonner. Même morte, elle continue d’être une grand-mère, ma grand-mère. Et même si sa voix se veut autoritaire, je ressens tout l’amour et la tendresse qu’elle me souffle derrière ses paroles. Mon cœur est gonflé d’une joie indescriptible et bizarrement, je n’ai qu’envie de sourire.
-          Grand-mère, raconte-moi un souvenir que je pourrais immortaliser.
-          Au lieu de te raconter quelque chose du passé, écris ce que tu viens de vivre avec moi aujourd’hui. Vis le moment présent. C’est ce que tu fais aujourd’hui qui est important, pas ce que tu as fait hier, car ce que tu vis aujourd’hui forge ton futur, alors que ton passé demeurera toujours inchangeable. Ne vis pas à reculons. Fonce. Je t’aime.
Elle me fait rapidement un baiser soufflé et je sursaute lorsque la porte de la maison s’ouvre. C’est ma mère. Elle me regarde bizarrement lorsqu’elle voit mon sourire. Je me retourne vers grand-mère, mais elle n’est plus là. J’observe l’endroit vide où elle se tenait et je dépose une main sur mon cœur.
-          Où as-tu trouvé ça ? me demande ma mère en ramassant le collier d’une main tremblante.
-           Je l’ai trouvé dans la forêt tout à l’heure ! dis-je en souriant davantage. Est-ce que tu sais à qui ça appartient ?
-          Appartenait, me corrige-t-elle avec émotion.
-           Que veux-tu dire ?
-          Ta grand-mère gardait ce collier depuis sa tendre enfance et lors de l’enterrement, je l’ai glissé sous son oreiller. C’est impossible…
-          C’est sûrement une réplique !
-          Oui, mais le sien aussi était brisé ! continue-t-elle en tentant d’ouvrir le médaillon en forme d’étoile. Ce doit être un signe qu’elle nous envoie.
-          Sûrement, dis-je.

Étrangement, j’ai le sentiment que ce que j’ai vécu aujourd’hui n’a pas été vécu pour être raconté. Ce sera mon souvenir à moi. Celui que je raconterai peut-être un jour à mon tour lorsque ma destinée sera accomplie.
Couchée sur mon lit, je joue avec le médaillon. La lune éclaire ma chambre et ses rayons frappent l’étoile argentée que je tiens entre mes doigts. Les paroles de ma grand-mère résonnent encore dans ma tête. Je me sens en paix. En paix avec moi-même et en paix avec la vie. Soudainement, le médaillon s’ouvre dans un petit bruit qui semble résonner dans toute la pièce. Je découvre, à l’intérieure, une vieille photo de mon grand-père. Il n’y a aucun doute qu’il s’agit du collier que ma mère avait glissé dans son cercueil. Je me suis endormie avec le sourire et cette nuit-là, j’ai rêvé d’un inconnu. Lorsque mes yeux se sont posés dans les siens, j’ai su tout de suite qu’il s’agissait de l’astre lumineux qui éclairerait ma vie.
En me réveillant, je n’avais plus le collier et je n’ai jamais cherché à le retrouver. Je suis allé au magasin et je m’en suis acheté un neuf. Quelques semaines plus tard, je l’ai ouvert et j’y ai mis à l’intérieur la photo d’un soleil. Jamais, de ma vie, je n’avais vu d’aussi beaux yeux. À l’intérieur de ceux-ci, il y avait les rayons dont m’avait parlé ma grand-mère. Ensuite, j’ai brisé l’ouverture du médaillon afin qu’il soit scellé éternellement et je n’ai plus jamais regardé derrière moi.
J'ai tout de même tenu ma promesse. J'ai écrit les souvenirs de mon arrière-grand-père, celui de ma cousine et la rencontre avec ma grand-mère. Cependant, personne ne saura que cette histoire est vraie.

Droit d'auteur : Stéphanie Dugas 



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